Depuis plusieurs décennies, la discipline économique s’est largement éloignée de la démarche scientifique. Beaucoup de publications universitaires d'économie classique reposent sur des postulats empiriquement réfutés. Conséquence : une certaine orthodoxie économique a promu des politiques publiques nuisibles pour nos sociétés et notre planète. Pourquoi la science économique fait-elle majoritairement fausse route ? Comment faire en sorte qu’elle devienne un outil au service d’une prospérité soutenable pour toute l’humanité ?
Acquis de l'épisode
La monnaie est apparue dans le sillage des premiers proto-États : son existence est consubstantielle à l’impôt et c’est avant tout l’existence de l’État qui permet de garantir sa valeur. En 1797, la banque d’Angleterre a pris une décision audacieuse en décorrélant la valeur de la livre sterling de celle de l’or et de l’argent, animant une controverse entre les tenants de la "currency school" et ceux de la "banking school". Encore aujourd’hui, cette opposition structure les débats qui animent la discipline économique, entre d’un côté une vision passéiste et illusoire de la monnaie qui estime que c’est l’épargne qui induit les investissements, et de l’autre celle qui admet que la monnaie provient du crédit bancaire et a vocation à permettre la création de richesses dans l’avenir.
Acquis de l'épisode
Du fait de l’octroi de crédits bancaires, la masse monétaire évolue constamment sans que cela ne conduise mécaniquement à une augmentation des prix. La monnaie n’est pas neutre car son évolution affecte toutes les grandeurs de l’économie et pas seulement le niveau général des prix. En fait, la création monétaire n’est pas inflationniste si elle finance des investissements productifs qui stimulent et développent l’économie réelle. Le mythe de la neutralité de la monnaie continue pourtant de justifier des choix politiques très discutables comme la prétendue indépendance des banques centrales et l’augmentation des taux directeurs, ce qui met en danger l’économie et empêche de mener les investissements dont nous avons besoin pour faire face à la polycrise écologique.
Acquis du cours :
Contrairement à ce qui est défendu par l’orthodoxie économique, la part du revenu national attribuée au capital et celle attribuée au travail, le taux de croissance du capital et du PIB par travailleur, le ratio capital sur production ou encore le taux de rendement sur investissement ne sont pas des constantes : toutes ces données ont fortement évolué au cours des dernières décennies du fait des choix politiques qui ont été conduits et des phénomènes biophysiques qui conditionnent la production. L’économie n’est donc pas un système figé : la prise en compte du temps est indispensable à sa bonne compréhension. En ce sens, la vitesse de circulation de la monnaie est déterminante puisqu’elle a un impact majeur sur le niveau général des prix. Une trop forte baisse de cette vitesse peu conduire à l’un des pires maux possibles pour une économie : la déflation.
Acquis du cours :
Pour modéliser l’économie, il convient d’abord de distinguer les stocks des flux : cette opération montre que l’investissement est toujours égal à l’épargne et que la dynamique macro-économique est marquée par de l’émergence, c’est à dire qu’on observe des phénomènes au niveau agrégé qui ne sont pas déductibles du comportement des acteurs à l’échelle individuelle. Après avoir obtenu la matrice des stocks et des flux d’une économie, on peut étudier la dynamique macro-économique grâce à des équations différentielles qui modélisent l’évolution des différents facteurs en fonction du temps. C’est cette opération qui a permis aux époux Meadows et à Jørgen Randers d’alerter dès 1972 sur le risque d’un effondrement économique généralisé en raison de la raréfaction des ressources naturelles. À l’inverse, l’école néoclassique étudie la dynamique macro-économique sous le prisme du modèle de Solow, un modèle qui se fonde sur une série de postulats discutables et qui laisse croire qu’une croissance infinie est possible dans un monde fini.
Acquis de l'épisode
L’orthodoxie économique se préoccupe peu des dettes privées. Pourtant, la distribution de celles-ci affecte profondément la dynamique macro-économique : par exemple, la saisie des collatéraux aux ménages insolvables peut conduire à de graves crises comme celle de 2008. Contrairement à ce qu’affirme le modèle de Solow, le transfert du patrimoine des plus modestes vers les plus aisés qui résulte de la mécanique de la dette conduit à estimer que l’économie peut converger vers au moins deux équilibres, l’un vertueux, l’autre rendu catastrophique par l’excès de dettes privées. En fait, la dette privée n’est pas un problème lorsqu’elle finance des investissements productifs : dans le cas contraire, lorsqu’elle alimente principalement une bulle financière ou immobilière comme c’est le cas aujourd’hui, elle menace l’ensemble du système économique. Les banques privées ont pour mission de financer les investissements qui façonneront l’économie de demain : or celles-ci sont conduites à agir d’abord en fonction des intérêts privés de leurs actionnaires et non de l’intérêt général ce qui pose la question de la régulation du secteur financier.
Acquis du cours
Dans la sphère médiatique, l’endettement public est généralement présenté comme une menace existentielle à la prospérité de l’économie. Pourtant, dans un pays dont la balance commerciale est déficitaire (comme la France), il est impossible que le secteur privé puisse dégager des bénéfices en l’absence de déficit public. Quelles que soient leurs couleurs politiques, la plupart des responsables de gouvernement l’ont compris, le principal clivage entre les gouvernements de droite et de gauche étant que les premiers privilégient l’endettement public au profit des dépenses militaires quand les seconds favorisent, en principe, le développement de l'État providence. La dépense publique est en vérité insuffisante en France : sa contribution au PIB est cinq fois inférieure à celle de la dépense privée contrairement à ce qu’affirme le lieu commun voulant qu’elle représente 50 à 56% du PIB. Il convient donc de l’augmenter afin de favoriser le bon fonctionnement des services publics.
Les acquis du cours
La sphère financière a trouvé un nouvel élan à la fin des années 1970 avec la dérégulation financière qui a permis l’apparition de produits dérivés et a poussé les investisseurs à s’endetter pour profiter de la spéculation. De plus en plus de bulles financières sont apparues, la dernière en date étant notamment liée au mauvais usage de la création monétaire à l’occasion des politiques de quantitative easing : celle-ci a alimenté la spéculation alors qu’elle aurait pu être orientée vers la relance de l’économie réelle. L’actuelle bulle financière, plus importante que celle des subprimes, pourrait bien exploser en raison de la hausse des taux directeurs entamée par les banques centrales en 2022. Il est aujourd’hui nécessaire de réguler le secteur financier, en procédant notamment à une véritable séparation bancaire, en obligeant les banques à augmenter leurs fonds-propres et en régulant le ratio de levier permis par les crédits.
Acquis de l'épisode
Dans la théorie néoclassique, la question du chômage involontaire est largement ignorée : selon celle-ci, les chômeurs choisiraient délibérément de ne pas travailler compte tenu du salaire d’équilibre, le marché étant censé permettre systématiquement le plein-emploi. Pourtant, si l’on prend en compte le travail à temps partiel, le taux de chômage réel en France s’approche des 30 %. Une mauvaise interprétation de la courbe de Philipps pousse la BCE à des politiques nuisibles pour l’emploi au nom de la lutte contre l’inflation : le chômage de masse correspond donc à un choix politique. En moyenne, un chômeur coûte 20 000 € par an à l'État tandis que le coût d'un travailleur au SMIC est de 21 500 € par an : l'argent dépensé pour indemniser les chômeurs de longue-durée pourrait être orienté vers le subventionnement d'emplois utiles à la société et notamment ceux qui permettraient d’entamer la bifurcation écologique.
Acquis de l'épisode
Au cours des 30 dernières années, les 2 % les plus riches à l'échelle planétaire ont vu leurs revenus exploser alors que ceux du reste de la population n'ont pas connu de hausse significative : la globalisation n'a ainsi bénéficié qu'à une toute petite minorité. En France, la hausse des inégalités est due notamment au fait que l’impôt sur le revenu a cessé d’être un impôt progressif : le taux moyen d'imposition effectif des plus riches n’est plus supérieur à celui des classes moyennes. Par exemple le taux effectif d’imposition d’une multimilliardaire français est proche de celui d’un salarié gagnant 4200 € par mois. Il convient donc de proposer un nouveau paradigme pour permettre une réelle progressivité de l’impôt et d’adopter des politiques publiques visant à mettre fin à l’exil fiscal des sociétés.
Acquis de l'épisode
Il existe une corrélation quasi-parfaite entre usage de l'énergie et croissance du PIB : la croissance n'est possible qu'en dissipant davantage d'énergie. À l’instar du corps humain, l’économie est une structure dissipative : elle doit être constamment alimentée en matière et en énergie, ce qui lui permet de se complexifier, de générer du travail mais également des déchets. Il est donc primordial de comprendre qu’une économie répond aux deux lois de la thermodynamique : la quantité d'énergie et de matière d’un système isolé est constante et sont entropie, c’est à dire grossièrement le niveau de désordre microscopique du système, augmente avec le temps. Nous vivons sur une planète où les ressources sont présentes en quantité limitée. Pour échapper à un effondrement économique et social, nous devons éviter un pincement de potentiel entre le puits où l'économie puise de l'énergie libre disponible et des ressources matérielles et celui où elle rejette ses déchets.
Acquis de l'épisode
La théorie néoclassique, qui, sur la base du modèle de Solow, considère que la croissance ne dépend que de la démographie et d'un progrès technique dont l'origine est inconnue, est incapable de prendre en compte l'impact du dérèglement climatique sur l'économie. Certains économistes de premier plan ont ainsi été conduits à publier des travaux aux conclusions délirantes, estimant par exemple qu’une augmentation de la température globale de 6°C sur Terre ne causerait qu’une diminution du PIB réel mondial de 10 % alors que la survie de l’espèce humaine serait probablement mise en cause par un tel réchauffement. Dans les faits, la montée des eaux menace des espaces habités par des centaines de millions de personnes tandis que de larges zones de la planète pourraient connaître des conditions de température et d’humidité rendant la vie humaine impossible. Il convient donc d’adopter des politiques publiques volontaristes pour lutter contre le réchauffement et s’y adapter.
Acquis de l'épisode
L’impact de la pression humaine sur les écosystèmes est insoutenable : chaque année, une espèce sur mille s’éteint et, si rien n’est fait, il est vraisemblable que d’ici 30 ans, les poissons comestibles aient disparu des océans au profit des méduses. La biodiversité est essentielle à la vie humaine et pourtant, l’impact de son érosion est à ce jour beaucoup moins documenté que celui du réchauffement climatique : il est notamment essentiel que la communauté scientifique s’accorde sur des indicateurs à même de pouvoir quantifier celle-ci et que la communauté internationale définisse des objectifs clairs pour mettre en oeuvre des politiques publiques efficaces. Si l’on entend parfois que « l’humanité à toujours su s’en sortir face aux crises », l’histoire montre que cela est faux : des dizaines de millions de personnes, notamment au Sud, ont péri en raison de l’inaction des autorités face à des évènements climatiques extrêmes au cours des deux derniers siècles : il est donc urgent d’oeuvrer à l’émergence d’une société écologique, sociale et démocratique.
Acquis de l'épisode
La théorie néoclassique estime que, dans la majorité des secteurs économiques, les rendements d’échelle sont décroissants. Dans le monde réel, la plupart des industries exhibent des rendements croissants : plus le nombre de biens produits est grand, moins le coût de la dernière unité produite est élevé. Au travers de la fable des rendements décroissants, on retrouve toute une série de dogmes qui, malgré leur invalidation tant empirique que théorique, continuent d’être défendus par de nombreux économistes : la « loi » de Say selon laquelle l’offre trouverait toujours sa demande, la fiction des anticipations rationnelles qui voudrait que les acteurs de l’économie soient toujours en mesure d'anticiper l'avenir compte tenu des informations dont ils disposent aujourd'hui, ou encore le mirage de la concurrence pure et parfaite, censée permettre l’équilibre du marché. Le fait que la plupart des industries présentent des rendements croissants nous invite à penser un système économique plus adapté à l’instabilité provoquée par la crise écologique, associant de petites structures flexibles à de grosses structures favorisant les économies d’échelles.
Acquis de l'épisode
Lignes de chemins de fer, immeubles, machines, actifs financiers, etc. : on désigne comme « capital » des biens de production hétéroclites, qui sont le plus souvent agrégés sous forme de valeur monétaire. Ce raccourci conduit à oublier que « le capital » constitue avant tout une réalité matérielle, qui serait sans doute mieux comprise si elle était quantifiée en termes d’énergie, un facteur dont le PIB est fortement dépendant. En fait, « le capital » fournit l’ossature de la structure dissipative qu’est une économie : son volume et sa complexité n’ont cessé de croître au cours des dernières décennies et l’épuisement progressif des ressources naturelles montre l’insoutenabilité de son accumulation. Si la théorie néoclassique défend l’hypothèse de la substituabilité « du capital » aux ressources naturelles, dans les faits, celle-ci semble très difficile voire impossible, comme en témoigne l’effondrement économique de la Rust belt suite à l’épuisement des mines de charbon qui alimentaient son industrie : pour éviter un effondrement économique tel que suggéré par le rapport Meadows, il est donc impératif de repenser notre système économique.
Acquis de l'épisode
De Wall Street et ses traders aux industries du bassin de la Ruhr, en passant par la Scandinavie de tradition sociale-démocrate et le toyotisme japonais, toutes ces régions présentent des économies très différentes mais avec un point commun : le « capitalisme ». Ce mot, qui concentre une forte charge politique et symbolique, est souvent invoqué sans que ses contours ne soient précisément définis. En fait, le capitalisme ne correspond ni à l’économie de marché, ni à l’économie monétaire : il peut désigner une large variété de compromis économiques se fondant tous, au moins en partie, sur le même processus, la capitalisation. Si celui-ci n’est pas une mauvaise chose en soi, sa systématisation croissante, concomitant de la privatisation que Karl Polanyi dénonçait en 1944, détruit peu à peu le lien social et sape la démocratie.
Acquis de l'épisode
La bifurcation écologique nécessite des changements majeurs dans la structuration de nos économies. Si elle peut favoriser l’émergence d’une démocratie participative et s’organiser essentiellement autour des biens communs, elle pourrait tout aussi bien être menée sous l’égide d’un pouvoir autoritaire en alliance avec le capital privé, comme on l’observe en Chine. Ce choix de société dépend fortement du statut que l’on octroie aux différents biens dont nos sociétés ont besoin pour vivre. Continuera-t-on à favoriser la privatisation de biens pourtant essentiels à tous ? Les réserverons-nous à un « club » ? Ou bien déciderons-nous de les gérer démocratiquement, selon le modèles des communs ? Qu’il s’agisse d’un simple étang au sein de la forêt équatoriale ou de médicaments permettant de soigner des millions d’humains sur la planète, de nombreux exemples montrent qu’une généralisation de ce modèle est possible.
Acquis de l'épisode
S’il convient absolument d’éviter l’émergence d’un État autoritaire qui justifierait son emprise par la nécessité de mener la bifurcation écologique, il est illusoire d’imaginer que celle-ci pourrait se passer de l’existence d’un État. Une puissance publique démocratique est indispensable à la fois pour protéger les communs du risque de leur tribalisation ou de leur privatisation mais aussi pour piloter une forme de planification écologique, capable de répondre aux défaillances du marché. En ce qui concerne la France, décarboner son économie d’ici à 2050 nécessiterait des investissements correspondant à seulement 2,3 % de son PIB. Un objectif tout à fait réaliste à condition de désamorcer conjointement la bombe à retardement des actifs fossiles : sans une action publique ambitieuse, ces titres bruns détenus par les banques pourraient bien être à l’origine d’une nouvelle crise des subprimes.
Acquis de l'épisode
Depuis 2009, la Chine ayant renoncé à assumer ce rôle, il n’y a plus de grande puissance industrielle fournissant aux pays du Nord des biens manufacturés à bas coût et réinvestissant ses excédents commerciaux dans son système financier. Ainsi, les États-Unis et l’Europe vont devoir choisir entre se réindustrialiser ou bien financer l’industrialisation d’une nouvelle usine du monde : l’Afrique. La dérégulation du secteur financier et la prolifération des actifs dérivés ont conduit à une déconnexion des marchés financiers avec la réalité des échanges internationaux : qu’il s’agisse du pétrole ou encore du marché des changes, la financiarisation affecte gravement l’économie réelle ce qui, en définitive, finit par nuire à tous. Dans un contexte marqué par des échanges commerciaux inégaux entre le Nord et le Sud et où l’extractivisme des matières premières ne cesse de progresser, il est urgent de faire le choix d’une économie sobre de la lenteur, modèle de société pour lequel le Japon de l’ère Tokugawa est susceptible de nous livrer quelques enseignements.
Acquis de l'épisode
Au XVIIIème siècle, les philosophes des Lumières ont contribué à édifier des sociétés fondées sur la liberté, l’égalité et la propriété privée. De ces trois valeurs libérales, le post-libéralisme, abusivement désigné comme néolibéralisme, a dévoyé les deux premières et a étendu la troisième à des domaines dont elle était jusqu'à présent exclue, la forte souffrance sociale générée par ce processus de privatisation progressive du monde semblant conduire peu à peu à la tribalisation des sociétés. Pour respecter nos engagements climatiques et parvenir à mettre en oeuvre les objectifs de développement durable définis par l’ONU, nous devons repenser le contrat social en le fondant sur les communs et la règle d’or universelle : faites aux autres ce que vous voulez qu’on vous fasse.
Acquis de l'épisode
La théorie des jeux a souvent été mobilisée pour justifier le processus de privatisation, par exemple par Garrett Hardin avec son concept de tragédie des communs. En fait, même en reprenant le paradigme au fondement de la théorie des jeux, c’est-à-dire celui d’un individu rationnel et égoïste, la pertinence empirique du concept d’équilibre kantien montre qu'il est possible de prendre soin de nos communs globaux. Il convient toutefois de faire le deuil du déterminisme laplacien, c’est-à-dire de la possibilité de déterminer l'avenir en fonction du présent, ce qui suppose d’accepter que l’être humain bénéficie d’une marge d’autonomie dans son rapport au monde.
Une certaine confusion caractérise les débats publics autour de l’économie : d’où provient le chômage de masse qui sévit en Europe depuis trois décennies ? La croissance est-elle indispensable ? La décroissance n’a-t-elle pas, au fond, déjà commencé ? L’inflation est-elle durable ? La dette publique va-t-elle nous contraindre à réduire encore davantage les services publics ? etc.
À ces interrogations, il est difficile de trouver des réponses claires.
A fortiori si l’on y ajoute celles, plus profondes encore, que
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